Par Benoît van Grieken, partnerships advisor (SD Worx Belgium)
Benoît van Grieken est conseiller en partenariats externes, il s’est également spécialisé dans la diversité et dans le nouveau monde du travail. Il a auparavant travaillé durant de nombreuses années chez Randstad.
Cette conférence clôture le cycle de conférences 2020 sur la digitalisation mis en place par l’IBEFE du Brabant wallon.
Que signifie « digitalisation » pour votre organisation ?
Comme cela a été vu lors des différentes conférences, la digitalisation peut prendre différentes formes. Ce sont notamment les réseaux sociaux, le téléphone, l’informatique, etc. Ce sont, en d’autres termes, tous les moyens TIC qui permettent de gérer l’information et la communication d’une autre manière. Benoît van Grieken insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un objectif mais bien des moyens qui permettent de faciliter la communication et la gestion dans des organisations, c’est-à-dire dans le secteur privé ou public comme dans l’économie sociale ou les entreprises.
Pour Benoît van Grieken, il y a de plus en plus de défis aujourd’hui car nous sommes dans un monde VUCA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu). La crise sanitaire actuelle est un exemple de situation VUCA.
Nous pouvons également dire que l’emploi est VUCA. Notre zone de confort au niveau de l’emploi sera de moins en moins forte et devra faire face à de plus en plus de défis. Nous aimerions le plein emploi mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Si nous prenons l’exemple du secteur bancaire, l’emploi y est volatile car les services et le rôle du personnel changent constamment. Nous l’observons notamment par la disparition des guichets. Notre invité ajoute que cela ne signifie pas forcément la diminution de l’emploi mais plutôt la prise en compte de celui-ci sous d’autres formes. Ensuite, la diminution du nombre d’agences rend le monde du secteur bancaire incertain. C’est également une situation extrêmement complexe dû, notamment, à des visions différentes au sein même du secteur. Et enfin, ce sont des services ambigus qui ne justifient pas clairement leur position (paiement de services qui nous gérons personnellement).
La digitalisation, c’est un phénomène extrêmement rapide. Il y a 25 ans, Belgacom (ex-Proximus) décidait de construire un réseau GSM malgré une note interne du personnel défavorable. Les nouveaux PC de l’époque disposaient d’un disque dur de 10 Mb ainsi que d’une mémoire externe de 512K. En posant ce constat de l’évolution rapide de la technologie, nous sommes en droit de nous demander quelle sera la situation dans les 25 prochaines années. Selon Benoît van Grieken, nous pouvons facilement nous imaginer que ce sera encore plus rapide.
Nous retrouvons le même principe au sein des ressources humaines. Il y a 25 ans, lorsque des salons de l’emploi étaient organisés et que des candidats étaient recherchés, les professionnels s’efforçaient de leur montrer leur méthode de travail (approche top-down). Actuellement, c’est le contraire. Ils visent plutôt à s’adapter aux candidats et aux nouvelles technologies. De même, les RH faisaient passer également des tests de graphologie aux étudiants. Ainsi, comme pour l’informatique, ils utilisaient des méthodes qui sont, à présent, dépassées. Quelles seront celles qu’ils utiliseront à l’avenir ?
Il existe un préjugé sur le fait que des personnes de 50 ou 60 ans seraient incompétentes face à l’informatique et à la digitalisation. Ce n’est certainement pas le cas. Le graphique ci-dessous montrent à quel moment les capacités physiques et les capacités intellectuelles de quelqu’un diminuent.
La courbe rouge montre en moyenne, qu’à partir de 21 ans, les capacités physiques diminuent. Cette courbe appuie, d’une certaine manière, l’idée que, plus vite une personne commence une activité physique, plus facile elle y arrivera. Concernant la courbe de capacités intellectuelles en bleu, on estime que c’est à partir de 67 ans qu’elles diminuent. Une personne de 60 ans peut dès lors s’initier aux nouvelles technologies. Seule différence avec une personne plus jeune, c’est que la courbe d’apprentissage sera probablement un petit peu plus longue. Il est donc possible de s’adapter aux nouvelles technologies même si certains auront plus difficile que d’autres. Pour notre expert, c’est une message à faire passer aux candidats et aux demandeurs d’emploi.
Selon l’OCDE, le Nouveau Monde du Travail (NMT)[1] désigne une multitude de pratiques de flexibilité dans les temps et dans les lieux (horaires flottants, télétravail, contrats atypiques, open space, etc.), de management (par objectifs, par projets, etc.) et de formes organisationnelles (réseaux, équipes virtuelles et autonomes, etc.) qui se combinent entre elles et qui reposent en partie sur les nouveaux usages des technologies de l’information et de la communication.
Pour introduire le NMT, nous utilisons le modèle Golden Circle, développé par Simon Sinek. Celui-ci propose que pour développer quelque chose, il faut toujours commencer par le pourquoi, puis le comment et le quoi : Why, How, What. Beaucoup d’organisations encore commencent par le quoi, prenant ainsi le risque d’échouer dans leur projet. Introduire de nouvelles technologies, c’est comprendre le pourquoi, c’est-à-dire les avantages pour les travailleurs et l’organisation. Puis, c’est voir comment le faire avant de passer concrètement à l’application.
Cette question est en lien avec le développement durable et les responsabilités sociétales, c’est-à-dire sociales, économiques et environnementales. Il s’agit de penser l’application du NMT comme une réelle valeur ajoutée, une sorte de win-win entre la société, l’organisation et le collaborateur. C’est un équilibre entre les trois qu’il faut toujours avoir.
Il y a 4 ans, SD Worx et la Louvain School of Management ont porté une étude sur la raison et les avantages de la mise en place de nouvelles technologies au sein des organisations. Réalisée auprès de 300 directeurs RH, elle est encore d’application aujourd’hui.
L’étude révèle que la majorité des directeurs trouvent que l’introduction des NMT permet d’intensifier l’engagement et l’implication des collaborateurs. Suivant notre spécialiste, il s’agit plutôt de travailler la motivation et l’envie des collaborateurs au sens philosophique anglo-saxon. Une seconde priorité, que l’enquête dévoile également, est le fait de mieux attirer et conserver les talents, ce que les RH appelle ADR (Attractivités, Développement et Rétention des talents et de leurs compétences). Ensuite, nous retrouvons l’accroissement de la productivité, au sens d’efficience et d’efficacité. Finalement, l’étude montre que la gestion des coûts ne constitue pas une priorité pour les directeurs même si elle reste encore une préoccupation.
Le Nouveau Monde du Travail cite 3 dimensions énumérées sous l’acronyme B.B.B en anglais pour « bricks » (l’infrastructure), « bytes » (la technologie) et « behaviours » (les comportements). Le mélange de ces 3 éléments font qu’ils doivent s’imbriquer lorsque nous abordons la question du NMT : comment aménager son poste de travail sans être trop égoïste tout en étant idéal pour l’organisation, veiller à avoir la bonne connexion afin de s’assurer d’être bien connecté par rapport à l’autre tout en assurant le bien être de chaque personne, etc.
Cela nous amène à trois principes-clés de l’emploi du futur :
Ces 3 principes s’appliquent quelque soit le métier de base, qu’il soit techniquement très haut ou infra-qualifiés, et demeurent fondamentaux au niveau de l’emploi et de la digitalisation
Concrètement, le NMT aboutit à un plan relatif au changement pour l’élaboration de projets spécifiques qui sont :
Quelques exemples sur les différentes composantes :
Le télétravail demande de revisiter nos pratiques individuelles et collectives de communication, d’échanges et de collaborations jusque dans ses détails. Il y a un vaste champ à développer dans la formation aux nouvelles technologies. Il faut s’y investir. Il faut également une solidarité entre collègues et avec les demandeurs d’emploi car la fracture numérique existe.
Il y a beaucoup de préjugés sur le télétravail. Or, il ne faut pas faire de différence entre le travail et le télétravail. Que cela soit l’un ou l’autre, les 3 mots-clés sont la confiance, la transparence et la disponibilité. Pour Benoît van Grieken, un exemple idéal pour répondre à ces 3 principes est l’agenda électronique ouvert et accessible à tous. En effet, un des avantages est de pouvoir montrer sa disponibilité à ses collègues mais également sa non-disponibilité.
Par ailleurs, quand on parle de télétravail, il faut nuancer. Le télétravail peut se faire à domicile mais il peut également être mobile et/ou à distance. Il s’agit, en bref, de tout autre lieu que le bureau classique. Il peut être structurel et disposer de conventions avec des avenants au contrat de travail définissant clairement la fréquence, les jours, les disponibilités, les indemnités, etc. Il peut également être occasionnel dans des cas de force majeure ou de raisons personnelles. Dans le cas de la situation de pandémie, il s’agit d’une situation de force majeure qui n’est, dès lors, pas structurelle et qui ne demande pas de conventions. De plus le télétravail doit être volontaire tant du côté employeur que du côté employé. Enfin, certaines fonctions permettent le télétravail et d’autres non.
5 tuyaux utiles pour le télétravail :
La qualité d’une personne est la même que ce soit au bureau ou en télétravail. Il s’agit d’une question de compétences, c’est-à-dire de savoir-faire (aptitudes techniques), de savoirs (connaissances) mais aussi de savoir-être (attitudes).
Nous explorons, ici, 5 exemples utiles pour tout un chacun concernant la responsabilisation et l’autonomie, le sens du « client » (l’amélioration d’un service par rapport à une personne ou une entreprise), le partage et le digital.
1er exemple dans la construction
Une entreprise a mis en place une application pour ses ouvriers dans le but de calculer le besoin en matériaux de chantier afin d’éviter le gaspillage. Cette application est disponible sur le GSM et est connectée à l’entreprise. Cela permet d’avoir immédiatement le calcul du besoin. Les ouvriers sont responsabilisés et comprennent les raisons pour le faire. Il y a aussi un lien avec les innovations dans l’entreprise et le partage commun.
2e exemple dans la distribution alimentaire
Dans la distribution alimentaire, l’aide « client » externe est fondamentale mais aussi l’entraide entre collègues. Il y a de plus en plus de polyvalence et de plus en plus d’utilisation du digital (scan par exemple). Et pour faciliter le flux, il y a aussi la possibilité d’aller à la caisse ou de gérer soi-même les courses via le scan. On utilise la digitalisation autrement pour aider les clients et faciliter le travail des employés. Cette polyvalence demande bien entendu une adaptation à cette nouvelle organisation.
Dans le secteur de la grande distribution, il faut aussi donner du sens au travail et à l’utilisation des nouvelles technologies. Faciliter l’organisation interne et aider la clientèle passe également par la polyvalence. Ainsi, l’accompagnement et la formation a tout son sens.
3e exemple dans la logistique
Récemment, Amazon a engagé en 10 mois de temps 427 000 personnes au niveau mondial dans des domaines comme la logistique, le cloud et le commerce en ligne. Autrement dit, toutes ces emplois ont un lien direct avec la digitalisation. Cela signifie qu’il est important d’investir dans des formations sur le digital car c’est un moyen et un outil facilitateur de l’emploi.
4e exemple dans les ressources humaines
SD Worx possède budget mobilité autonome. Les employés dispose d’une carte de crédit pour gérer tout leur type de transport (parking, parcmètres, essence, etc. ) pour une période de 6 mois. Le type de dépense est laissé à l’appréciation de l’employé qui doit gérer lui-même son budget. Cela permet également de faire une économie pour l’entreprise en matière de gestion des notes de frais.
Un autre exemple chez SD Worx, les collaborateurs ont la possibilité, par rapport à leurs jours extralégaux, de les convertir en épargne pension ou d’acheter du matériel. C’est un système qui permet de s’adapter à des besoins individuels.
5e exemple dans les banques
Aujourd’hui, il y a beaucoup de formateurs externes qui sont en même temps agents de banques. Celles-ci proposent à leur clientèle des formations sur l’utilisation du Phone Banking en raison de la disparition future du PC Banking. Bien que cela s’accompagne d’un certain avantage commercial avec la fidélisation de sa clientèle, l’organisation aide son client pour qu’il puisse utiliser le nouveau système. Et pour cela, des anciens guichetiers sont formés pour devenir en quelque sorte des facilitateurs « clients ».
Chez bpost également, l’employé joue un rôle de facilitateur. Chacun possède un scan propre à lui afin que le client puisse où se situe son colis savoir à tout moment. Notons que l’organisation souhaite engager 1 000 personnes qui devront être capable d’utiliser le scan et le tracing.
Le management des compétences
C’est une autre étude réalisée par SD Worx au niveau européen qui étudie les compétences du futur selon 3 axes.
Le 1er axe touche au « connecting » (rouge). Il s’agit d’un rôle et non d’une tâche. C’est le réseautage humain et numérique, le « penser sans frontières ». On ne le fait pas seul mais avec d’autres personnes.
Le 2ème axe concerne l’agilité (mauve). C’est de la résilience, de l’empathie, de la capacité d’adaptation, etc.
Le 3ème axe porte sur « Think and act outside in » (orange). Cela veut dire qu’il faut penser ce qui est utile par rapport à d’autres. C’est, autrement dit, une capacité de commencer par la fin, c’est-à-dire quel résultat final nous souhaitons avoir. quel est l’objectif.
Les 11 piliers de « l’employer story »
Nous listons 11 piliers sur lesquels nous devons-nous concentrer. Toutefois, il est évident que suivant le type d’organisation certains piliers seront plus important que d’autres.
Si nous allions les ressources humaines et le digital, nous retrouvons 5 notions à appréhender que nous surnommons « CIDRE » :
Il y a un an, Agoria réalise une étude prospective en collaboration avec la Banque nationale de Belgique sur l’évolution de la main-d’œuvre par secteur entre 2016-2030.
Agoria analyse les secteurs où nous trouvons l’usage de la digitalisation dans les métiers. Trois secteurs (vert) se démarquent et sont en pleine croissance : l’enseignement (y compris la formation), les soins de santé ainsi que le service aux entreprises et aux particuliers. Cela correspond à 510 000 emplois belges assurés pour autant que nous nous mettons à la digitalisation. Ce qui est également intéressent ce sont les secteurs stables (bleu foncé). Nous y retrouvons le commerce, le bâtiment, le transport et la logistique, l’Horeca mais aussi les entreprises d’utilité publique (Bpost, Proximus, etc.) Ceux-ci sont également dans la croissance. Le secteur financier revient à une croissance pratiquement nulle, ce qui n’est pas anormal. Ensuite le secteur public reste plutôt stable. Nous constatons, par ailleurs, que la chimie et la pharmacie n’est plus un secteur porteur d’emploi en Wallonie alors qu’il l’était il y a 20 ans. Les postes y sont occupés en plus d’être hautement qualifiés. C’est pourquoi le secteur est plus ou moins stable avec une légère décroissance. Par contre, le domaine des divertissements, la sidérurgie et l’agriculture, la croissance diminue. Néanmoins, selon Benoît van Grieken, même si nous sommes sur des secteurs en déclin, cela ne constitue pas réellement une catastrophe. En effet, nous parlons de près 32 000 emplois en moins.
Il faudra, selon notre expert, adapter l’enseignement, la formation (adulte et continue) avec les nouvelles technologies afin de compenser cette perte et la transférer vers les secteurs en croissance.
En juin 2020, SD Worx a réalisé une étude, conjointement avec le monde des entreprises, auprès de 220 employeurs wallons. Celle-ci montre que nous allons également vers plus de télétravail.
Une autre étude sur le même thème a été réalisé avec le Vias Institute. Celle-ci révèle que le rôle des dirigeants s’orientent maintenant vers le management par objectifs.
Pour Benoit van Grieken, il y a 3 conclusions :
Le modèle Blessing White affirme qu’il faut allier les besoins de satisfactions individuelle avec la contribution des personnes aux résultats de l’organisation.
Ce qui est utile dans ce modèle, c’est que plus l’individu et l’organisation sont satisfaits en même temps, plus l’engagement est important (orange). À l’opposé (noir), les risques d’échec apparaissent lors que l’organisation n’est pas de l’individu alors que celui-ci ne se sent pas à l’aise. Pour contre, nous avons des choses qui sont parfois intéressantes lorsque des personnes sont plus ou moins engagées (bleu). À partir de là, nous réfléchissons sur les entretiens de fonctionnement et sur ce qu’il faut faire pour arriver à une satisfaction. Ensuite, nous avons les « crash & burners ». Ce sont les burn-out. L’organisation est très content mais la personne en elle-même a un malaise extraordinaire. À l’inverse, les « Honeymooners & Hamsters » pose la question du bore-out (l’ennui au travail) et du présentéisme. Il faut, dans ce cas, réfléchir l’idée du win-win.
[1] Il existe d’autres nominations comme FOW (Future Of Work) ou NWOW (New World Of Work)
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Nous remercions Monsieur Benoît van Grieken ainsi que les participants.
Cette dernière conférence clôture le cycle de conférences « Impact de la digitalisation – Analyse des perspectives et des changements sur le monde du travail ».
Cliquez ici pour consulter la présentation PowerPoint.
Pour aller plus loin :
Les études :
Outil :
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